Au moment où les écoliers et étudiants de tout âge reprennent le collier, il nous a paru bon de leur présenter un homme de chez nous, un homme jeune dont la vie et la mort constituent la plus belle des leçons de civisme. Nous osons espérer que cette modeste esquisse biographique leur plaira et qu’elle intéressera également la partie plus âgée de la population à qui elle rappellera – si besoin en est – la glorieuse figure d’un vrai héros theutois.

Henri GONAY, fils de Walter Gonay et de Marie Schwanen, naquit à Theux le 21 juillet 1913. Son enfance et son adolescence furent sans histoire. Henri était d’un caractère aimable et toujours souriant. Il fit de solides études moyennes, puis, à 18 ans s’engagea comme élève-pilote ans notre aviation militaire. Lentement, ainsi qu’il est de règle à l’armée belge, mais avec distinction, il y gravit tous les degrés de l’échelle des sous-officiers.
Le 26 décembre 1938, Henri Gonay est nommé adjudant instructeur. Cette promotion lui échoit donc au moment précis où l’Europe entière se prépare fiévreusement aux hostilités qu’on sent imminentes. Moins d’un an après, la tourmente se déchaîne. Pendant huit mois encore,les Belges ont le bonheur de jouir d’une tranquillité malheureusement fragile. Le 10 mai 1940, les Boches se précipitent une nouvelle fois sur notre paisible petit pays. Dès la première heure, notre aviation écope durement, ses appareils désuets ne permettent pas à nos as de faire preuve de leur vraie valeur. Ce ne sont que deuils et vaines parades d’héroïsme. Bientôt les survivants de ce corps d’élite inutilement décimé sont évacués en France. Le funeste 28 mai, Henri est à Tours avec ses camarades Buchin, Dieu et Philippart. Mais la France aussi est pauvre : elle n’a pas d’avions meilleurs à leur confier. Nos amis descendent donc vers le Sud et à Bayonne; ils obtiennent d’être pris à bord d’un navire britannique. Le 23 juin, ils débarquent en Grande Bretagne. Une semaine après, Henri Gonay rejoint à Gloucester les rangs de la Royal Air Force. Dès le 7 juillet, il fait connaissance avec un merveilleux appareil de chasse : le bimoteur Blenheim. Il apprend à le manier au camp d’entraînement d’Aston Down.
Le 4 août, il passe à l’escadrille n° 235 et a enfin la joie d’affronter à armes égales les sinistres croix noires des Messerschmidts et autres Derniers. Premiers combats, premières victoires.
Le 8 octobre 1940, Henri Gonay se paie le luxe d’abattre un énorme Heinkel 60. Le 15, il est nommé sous-lieutenant et, le 23, il redevient instructeur. La R. A. F. en effet veut se décupler et pour ce faire, elle transforme en moniteurs ses meilleurs combattants.
Henri enseigne d’abord à l’Ecole de Pilotage élémentaire (Elementary Flying Training School). Le 23 juin 1941, consécration de sa valeur, il devient professeur à l’Ecole de Combat n° 58 (OperattonedTrainingSchool) Le 4 août cependant, à sa demande, Henri rejoint une unité combattante: l’escadrille n° 123. Dans l’intervalle, les Anglais qui s’y connaissent en soldats et sont moins chiches que le Haut Commandement Belge, l’ont nommé capitaine.
Et la vie continue jusqu’au débarquement libérateur. Henri accepte toutes les missions. A plusieurs reprises, sa double qualité d’as et d’ancien instructeur, le fait de nouveau passer comme « magister » dans les camps où l’on forme sans arrêt des pilotes de réserve. Cependant, l’aviation de chasse a toujours sa préférence et, entre autres exploits, il participe au fameux raid des Canadiens à Dieppe.
Il est malheureusement impossible de raconter en détail tous ses actes de bravoure. Pour en donner une petite idée, nous dirons seulement que ses chefs de la R. A. F. lui octroyèrent, avec le grade de Major, le commandement d’une de leurs escadrilles et qu’il reçut entre-autres, les distinctions ci-après.
En 1941, Croix de Guerre belge avec palme.

Citation:
Brillant officier aviateur spécialisé en missions de jour à proximité des territoires occupés, dans une escadrille du Coastal Command ; au cours d’une de ces missions, a abattu un Heinkel 60 ».
En 1943, Croix de Guerre française avec palme

Citation:
A brillamment conduit son escadrille au cours de trois sorties, lors du coup de main de Dieppe, assurant à basse altitude la protection des troupes, lors de leur débarquement sur la plage de Dieppe, repoussant efficacement les bombardiers ennemis ».
En 1944, Distinguished Flying Cross

Citation :
– « Squadron Leader H. Gonay has completed 138 opérational sorties and has displayed outstanding ability, courage and détermination which have contributed largely to the successes achieved by his Squadron. Squadron Leader Gonay has destroyed one enemy aircraft and damaged a further three. He has also sink a 1 00 ton niptor vessel».
En 1 944, Palme supplémentaire au ruban delà Croix de Guerre.

Citation:
– « Officier aviateur ayant rendu depuis 1940 de grands services à l’aviation belge, tant comme combattant que comme instructeur. A repris le commandement d’une escadrille anglaise, le 25 février 1944. Respecté et aimé de son personnel, il a mené son escadrille à l’attaque, de nombreux objectifs maritimes et terrestres, endommageant notamment au cours de ces opérations un destroyer à Brest, des barges en rade de Jersey et une batterie côtière à Guernessey. A ce jour a effectué 154 opérations offensives et 50 défensives, totalisant 312 heures de vol en opérations ».

Le 6 juin 1 944 marque le débarquement massif des Alliés en Normandie. Un grand espoir naît dans le cœur des aviateurs belges de Gde Bretagne. Comme ses compagnons, Henri Gonay pense avec attendrissement à sa femme, à sa petite fille, à son vieux père, à tous les êtres chers laissés au pays. L’heure n’est plus lointaine, pense-t-il, où il pourra-les serrer dans ses bras. Hélas, exactement 8 jours après, Henri part à la tête de son glorieux Squadron, vers la Normandie Martyre. Au retour, il endommage encore un navire ennemi, mais il est lui-même blessé à mort et, lié à sa machine, s’écrase sur le sol de Jersey. C’est dans le cimetière militaire de cette petite île, sous la croix blanche n° 43 que repose la dépouille du Major de la R.A.F. Henri Gonay, franchimontois du XXe siècle, tombé comme Guynemer « en plein ciel de gloire » et mort pour la patrie.

L’Archange.

Pays de Franchimont 9 septembre 1949

Retour en haut