Chinrue, un très vieux chemin; Chinrue, une rue récente.
Le premier chemin traversant ce qui allait devenir le bourg de Theux était une route venant de Fays (Chaussée Trèves-Tongres) par Pierreuchamps, franchissant la Hoëgne au lieu-dit “Leys”[[Leys signifierait en langue celte: passage d’eau – voir P.F. novembre
1990.]], puis remontant le cours du ruisseau le Wayot, desservant ainsi le début d’habitat qui allait devenir successivement un site gallo-romain avec sa carrière de marbre noir, une villa royale avec sa chapelle, un palais carolingien avec son église, puis vers l’an mil, le premier centre du pagus (pays) de Theux qui rail finalement le chef ban du Marquisat de Franchimont.
A partir de la rivière, cette route avait pris le nom de «Réal chemin». [[RéaI en vieux français royal. Le nom réai chemin est encore utilisé en
1317.]] A la sortie de Theux, elle continuait à suivre le Wayot en direction de Hodbomont et rejoignait la chaussée romaine avai-Tongres à Deigné.
Chemin, il va le rester longtemps. Partant du Vinâve et suivant la rive gauche du ruisseau, il formait la limite de la localité et longeait donc le mur de fortification qui se déployait depuis la rivière et rejoignait la muraille du cimetière fortifié [Auparavant le cimetière s’ étendait jusqu’ au Wayot qui formait une première défense naturelle. Les puissantes murailles, renforcées de plusieurs tourelles déterminaient un espace servant de refuge pour le bétail en cas de danger de pillage tandis que les habitants (femmes et enfants) se réfugiaient dans l’église protégée par son imposant donjon.]] lui aussi. Ce chemin était alors utilisé par les voyageurs venant du centre ou du pont et se dirigeant vers [Mont. Il donnait accès à une petite voie pavée, les Rualettes qui montait en ligne quasi directe vers Mont.
De là, passant par Wislez et Banneux, on retrouvait l’antique route de Stavelot, Fraipont-Liège (via la Vecquée et Hauiregard). Chinrue était donc pour les Theutois se rendant à Liège, le début normal du voyage. En 1770, enfin, la chaussée pavée Liège-Spa par Louveigné atteint Theux. Le cimetière est rétréci pour lui faire ce et Chinrue est amputé d’un morceau qui devient la partie extrême de la rue de la Chaussée.
Vers 1850, Chinrue se présente comme suit débutant en face de l’église, le chemin arrivait jusqu’en face d’une forge, l’actuel n° 48, et là, traversait le Wayot sur un petit pont et se prolongeait jusqu’au Petit-Vinâve à côté du Wayot qui coulait dans un profond fossé. Sur la rive droite, un étroit et périlleux sentier nommé: «Pasai des Gattes» (sentier des chèvres) méritait bien son nom car il surplombait le ruisseau de près de deux mètres. Ce sentier longeait le mur du presbytère (l’ancienne fortification) jusqu’à la première maison de la place du Perron. Une seule petite maison s’élevait sur cette partie du chemin, elle était habitée par famille L. Saive [Cette maison actuellement disparue, s’élevait à l’arrière du magasin à rayons multiples de la place du Vinâve.]].
Il faut évidemment préciser que l’impasse de Chinrue avec ses sept maisons datant du 18ème siècle existait déjà. Y habitaient une couturière J.C. Closset (n° 54), un tailleur de pierres J.P. Botin et sœur (n° 56-58), un fileur L. Jason et son épouse M.C. Closset; (n°60), un ouvrier d’usine H. Jason et son épouse M.E. Closset (n° 62) et un autre fileur M. Piffer (n° 64) et enfin la maison en retrait et en surplomb était la propriété de H. Jason (n° 52). Donc un quartier quasi exclusivement Closset-Jason! Quant à la maison portant actuellement le n° 66, elle fut construite dans la première moitié du 19ème siècle, c’était une brasserie.
A cette époque, le Wayot avait déjà été recouvert depuis la chaussée de Liège jusqu’à l’entrée de l’impasse mais en 1885, d’important travaux pour le voûtage [[Cette voûte a ré si sté pendant près de cent ans. Remplacée en 1992, elle semblait encore en bon état.]] du ruisseau encore à ciel ouvert et pour l’amélioration du chemin de Chinrue débutèrent. L’adjudication avait été enlevée par l’entreprise teuthoise Dessaucy pour un montant de 3.483 frs.
En 1888, l’administration communale établit un plan d’alignement afin de procéder à la création d’une véritable rue. Les maisons commencèrent donc à s’élever et parmi elles, on peut relever quelques jolies maisons en briques inspirées du Modern’Style ou Art Moderne en vogue avant 1914.
Pendant une cinquantaine d’années, la rue Chinrue connut une vie assez active. Partant de l’église, on rencontrait une petite épicerie, l’ancienne brasserie du 19ème siècle, plus loin, la forge du maréchal-ferrant Beriholet retentissait du bruit des marteaux frappant l’enclume, suivait le commerce de fleurs Herman Bertrand. Après le virage, se succédaient le docteur Boxho et le vétérinaire Junckers remplacé par le pharmacien Meesen, ce côté de la rue se terminait par la platinerie Thomson dont une large porte permettait l’accès en Chinrue. En face, encore trois commerces, l’imprimerie Thomson, l’entreprise de peinture H. Pirnay et la brasserie Cheslet. Non loin de l’entrée du jardin presbytéral percée dans le mur, se dressait une pompe spéciale pour le remplissage de tonneaux agricoles amenés parles fermiers theutois et qui profitaient parfois de cette opération pour faire referrer leurs chevaux. Ainsi, se présentait donc Chinrue durant la première moitié de ce siècle.
Mais alors, l’explication du nom de Chinrue? La plus plausible est celle-ci, une contraction du mot chemin jointe au mot ru, donc chemin du ruisseau. Autre hypothèse: une déformation de chemin du roi (réaI Chemin), version historique mais moins probable. On a également avancé: rue des chiens (en wallon Tchinrowe), thèse un peu farfelue malgré une ancienne histoire [[Une histoire où les chiens du herdier (gardien de bétail) communal, habitant non loin du Wayot, près de l’ancienne carrière de pierres à chaux devinrent sauvages, se multiplièrent et rendirent dangereux tout le territoire de Chinrue.
Concerne: la photo du S.C. Theux parue dans le numéro de septembre. Le comitard X…est Hubert Pirnay, une personnalité teuthoise, bien connue qui fut bourgmestre de Theux. Il fut joueur au sporting et occupa le poste de trésorier de 1910 à 1924.]] convaincante…
contée par Regnier Tieffels dans «le Pays de de Franchimont» d’août 1952.
Alex GONAY
Source: “Pays de Franchimont octobre 1995”
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