Un accident stupide l’avait terrassé à un carrefour du Waux-Hall qu’il connaissait mieux que quiconque et qu’il empruntait régulièrement pour assumer son rôle de supporter inconditionnel du R.S.C. Theux qu’il persistait à suivre dans son cheminement.
Personne ne lui aurait donné ses 74 ans d’âge, qu’il fêta récemment, tant son allure soignée, ses goûts de bon vivant, son esprit pratique d’homme décidé à ne jamais se laisser manipuler, en faisait un Franchimontois droit dans ses bottes et bien dans sa peau.
Combien sont-ils ces galopins juslenvillois et theutois qui, pendant deux générations, ont connu, apprécié et respecté cet instituteur et chef d’école bourré de science et de patience et qui mettait au surplus à leur service ses dons exceptionnels de musicien accompli ?
Il fut parmi ces pionniers des fanfares et harmonies d’antan avec ses compagnons de l’époque glorieuse : Lucien Georis, Raymond Charlier, Jean Jardon, les frères Olette, Pierre Laplanche, Marcel Knaust, Tom Rogister, Alfred Lejeune, Joseph Pinson, Jean Dessaucy, Paul Antoine et combien d’autres qui défilaient en rangs serrés précédés martialement par cette splendide troupe de majorettes appétissantes et court-vêtues emboîtant leurs pas cadencés à la clique des tambours et tambourins majestueux et conquérants.
Notre ami Jean Schleck, homme disponible, d’une grande fermeté sous une apparence timide, était toujours intéressé par tout ce qui faisait la vie à Franchimont : la peinture, l’horticulture, les conférences et l’Académie de Musique qui a pu évaluer ce qu’elle lui devait.
Nous penserons souvent à lui, dans le gouffre de notre solitude en écoutant religieusement « II Silenzio », une page musicale qu’il aimait ; les notes se détacheront une à une comme des larmes bienfaisantes pour libérer notre chagrin et revoir par le mirage de la musique, notre ami Jean, exceptionnellement bon dans sa simplicité et merveilleusement attachant dans sa légendaire gentillesse.
Oui, il était souvent là avec nous, les jours de détente, respirant le bonheur de vivre ; que nous importaient alors les bouderies de l’été, les bourdonnements joyeux des conversations qui animaient le teint d’autres amis car le soleil était à notre table et dans nos verres. Et aussi dans nos cœurs.

A. D.

Pays de Franchimont 459 août 1984

Retour en haut