C’est a une bien sympathique manifestation que le Club Cyclo de Juslenville, par la voix de M. Jos. Delporte, conviait la presse et les nombreux amis dans le local du club. En effet, il s’agissait de rendre un hommage a M. Albert Herve qui rentrait d’avoir effectué son tour de France comme un compagnon du temps jadis, mais cette fois a vélo : 5.600 km. farcis de plus de quarante cols.

Au nom du club, M. Delporte, visiblement très admiratif, congratula M. Herve pour son exploit en mettant particulièrement l’accent sur les qualités de courage, d’obstination et de santé qui doivent animer le voyageur tout au long de son périple, la presse qui commenta l’événement, M. Kaye pour la qualite du materiel qui ne souffrit d’aucune imperfection tout au long des 5.600 km. puis il sabla le champagne et demanda a l’heureux beneficiaire de cet hommage de commenter son voyage.

Mais d’abord, qui est Albert Herve ?

Theutois, il passa sa jeunesse tout le long du Thier de Mont et très vite il fut tenté par la « petite reine ». Il se lança même dans la compétition mais le travail ne lui permettant pas l’entraînement comme il l’aurait voulu, il abandonna les pelotons pour se consacrer au cyclotourisme, un cyclotourisme bien compris : de grandes randonnées solitaires, l’appareil photo a l’épaule, des visites de villes, de musées, de monuments, de nombreuses conversations avec les villageois qu’il rencontrait sans oublier le vélo bien sûr: rien à voir avec ces troupeaux de cyclistes, pressés de totaliser leurs 100 km. au détriment des règles essentielles du code de la route et qui ne voient de l’excursion que… leur guidon.

Albert devint rapidement randonneur européen et se fit de nombreux amis dans tous les pays voisins pour enfin à 48 ans tenter et réussir un tour de France digne de l’époque héroïque.
Pendant un an, M. Herve prépara minutieusement l’itinéraire et le vélo, et, fin juin, il quittait Juslenville, emportant avec lui plus de 25 kg. de bagages. Il traversa l’Ardenne, le Luxembourg, l’est de la France, la Suisse pour se retrouver très vite au pied des Alpes et connaître les affres de la haute montagne.

Mais comment passait-il une journée ?

Le matin, il s’approvisionnait pour la journée dans les boutiques rencontrées. II roulait, photographiait ce qui l’intéressait, rencontrait parfois des amis cyclo des journalistes (Nice Matin, le Provençal, le Marseillais), s’amusait aux fêtes locales et le soir, à l’étape il prenait un repas complet dans un restaurant… puis cherchait à loger chez l’habitant, voire a l’hôtel et même une fois… a la belle étoile, en compagnie de vilains moustiques. Une vraie vie d’aventure ! Quelle aventure ! et quelle force morale et physique pour escalader et descendre dans l’ordre les cols de la Forclaz (rentrée en France), des Montets (Chamonix), des petits cols jusqu’à Albertville puis le Glandon, la Croix de Fer, le Télégraphe, le Galibier, le Lautaret, l’Izoard, de Vars, de Restefond (Barcelonette), Pra Loup, d’Allos, quelques petits cols et enfin arrivée a Nice.

Dans ces diverses ascensions, il a connu la canicule qui lui brûlait les jambes, le vent qui le poussait vers les ravins dans les descentes, la pluie, la grêle, la neige et même, pendant deux heures, un véritable ouragan dans le col du Vars. De tout cela, en sortir en bonne santé ! Quelle forme !

II repartait de Nice pour aller escalader le Mont Ventoux puis par Carpentras, il rejoignit Arles où il fut accueilli comme un héros par quelques amis chers à certains Theutois ! Puis, il poursuivit par Sète, Béziers, Narbonne, Perpignan, pour se retrouver au pied des Pyrénées ; il passa à Mont-Louis sous 35° à l’ombre, puis gravit les cols de Puymorens, de Port, de Portet d’Aspet, de Peyresourde, d’Aspin, du Tourmalet, de Soulor, d’Aubisque, pour enfin déboucher dans les Landes et entamer la longue remontée monotone, tellement monotone que notre randonneur avale les km. et les km. traverse la Bretagne avec vent favorable si bien qu’il se présente à Dunkerque avec quelques jours d’avance et rentre enfin à Theux comme s’il terminait un périple de la province de Liège. Ah ! diable d’homme !
L’heure avait passe vite à égrener les souvenirs et la nuit était large
ment entamée lorsque M. Delporte réitéra à M. Herve toutes les félicitations et l’admiration de l’assemblée. Porte-parole du Cyclo-club de Juslenville, il se dit très fier de posséder un pareil président et et espère que cette leçon de courage, d’autant plus beau qu’il est gratuit, poussera quelques jeunes à rejoindre les rangs du club et qui sait, dans quelques années, un autre Albert Herve s’élancera sur les routes !

A propos : un autre projet est en élaboration, mais chut ! M. Herve n’en dit rien mais il a déjà pour lui un cœur de Chimène !

Renseignements pratiques : poids des bagages 25 kg. au départ, 30 kg. à l’arrivée (cadeaux) ; 3 pneus arrière, 1 pneu avant ; aucun ennui physique sauf un furoncle mal place vite percé ; nourriture normale ; boisson : eau, parfois un « Stella », vin ; coût : env. 21.000 Frs ; 23 jours ; 5.600 km.

A son tour, le « Pays de Franchimont » rend un vibrant hommage à M. Herve, le félicite et souhaite une pleine réussite dans une tentative future.

Pays de Franchimont 423 Août 1981

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