“Ingénieur et Docteur en Sciences agronomiques (UCL), chef cartographe au Centre de cartographie des sols en Belgique, expert en Pédologie près de la F.A.O. (Nations Unies) pour l’Afrique et les Antilles, ancien professeur de science du sol à l’université d’Alger”. Voilà une carte de visite qui en dit long sur Paul Pahaut et qui, pourtant, ne révèle pas grand-chose d’une personnalité aussi attachante qu’humaniste.
Paul Pahaut, fils du chef de l’Ecole communale de Theux->rub69], naît en 1914. Il passe une jeunesse aussi studieuse que sportive. Jeunesse studieuse : après des études à Verviers et à Louvain, il décroche son diplôme d’ingénieur en sciences agronomiques haut la main. Jeunesse sportive : Paul fait partie d’une des meilleures équipes du [Football Club de Theux.
Le sol et le sport, deux passions qui ne le quitteront plus. 1938. La mobilisation vient interrompre une carrière à peine entamée. Lieutenant chez les Carabiniers Cyclistes, Paul, après la Campagne des Dix-huit jours, est emmené dans un oflag d’Allemagne, d’où, comme tant d’autres, il ne rentrera qu’en 1945. Mais le vélo des Carabiniers, Paul ne le quittera plus guère : c’est à regret qu’il le remise à 80 ans, ayant mémorisé le pourcentage des pentes de toutes nos collines. Un temps, directeur d’une laiterie en Ardenne, Paul va bientôt revenir à Theux.
Pendant de nombreuses années, il va étudier notre région. Chargé par l’université de Gand d’établir la carte des sols du Pays de Hervé, il va, assisté par des équipes successives d’étudiants, parcourir tous les terrains pour en analyser les sols. Les prairies, les champs, les bois n’ont bientôt plus de secrets pour lui. Et dès ce moment, il va se frotter au monde agricole. D’abord méfiant, le fermier comprendra vite l’utilité du travail entrepris, l’intérêt d’un tel conseiller. Parce que Paul dépasse son travail scientifique – il en voit surtout l’intérêt pour le bien de l’homme-, il va s’intéresser à tous les problèmes des agriculteurs : de l’amendement du sol, on passe très vite au remembrement, aux problèmes du cheptel, à l’évolution galopante de la technique et de l’agro-chimie, aux règlements nationaux puis européens, bref à la politique agricole. Avec des amis agriculteurs, avec Jean Gillet qui deviendra sénateur, il organisera moult conférences, débats, déplacements dans tout l’arrondissement.
Pendant un temps, il présidera aux destinées du PLP de Theux avec, comme objectif premier, la promotion du monde agricole. Cela n’empêche pas Paul de continuer à s’intéresser au RSC Theux, soit comme membre actif, soit comme président, soit comme chroniqueur sportif passionné pour Le Pays de Franchimont->rub1]. Pour rien au monde, il n’irait ailleurs qu’au stade Alphonse Vincent le dimanche après-midi. Et combien de fois ne l’a-t-on pas croisé [Place du Perron, en discussion animée avec ses anciens coéquipiers ou avec le président Simons ?
Mais la réputation professionnelle de Paul n’est pas que régionale. Des universités de plusieurs pays d’outremer ont besoin de professeurs de sa trempe. Pendant plusieurs années, il occupera la chaire de science du sol à Alger, donnera des cours en Espagne, sera professeur à l’université du Rwanda. Et toujours, Paul sera à l’écoute des stagiaires et professionnels autochtones. Ce n’était pas assez. La F.A.O. (Office des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) a besoin de M. Pahaut pour aider certains pays d’Afrique et des Antilles. Sa connaissance des sols, sa rage communicative contre l’érosion provoquée par l’homme (il fallait l’entendre parler de ce problème au Rwanda, pays des 1000 collines!) vont l’envoyer en mission dans divers coins du monde. Par exemple à Haïti, où il est allé mettre en place des programmes dont il a pu vérifier les résultats quelques années plus tard. Et toujours, toujours en respectant l’homme, en ne limitant pas son travail à une action purement scientifique. Un exemple : dans une région de Haïti où manquait cruellement l’eau, Paul a dû convaincre les habitants – a commencer par les enfants – de nager avec lui dans un lac de montagne que te Vaudou prétendait maudit depuis des générations. Depuis lors, on consomme l’eau du lac.
Pays de Franchimont 645 mai 2000