Notre patrimoine

PETITE JUSLENVILLE

C’est en ces termes que l’on rencontre pour la première fois, en 1782 [Il s’agit d’un acte rédigé par Nicolas Arnold Delrée, notaire à Theux, le 28 mai 1782 jour où un fermier nommé J.F. Boniver fut tué d’un coup du fusil à Juslenlville-Petite.]] le nom de cette partie de [Juslenville, située au-delà de la Hoëgne. Auparavant aucune mention n’a été retrouvée, il faut dire que cet endroit était très peu habité et aucune histoire ne s’y rattache. Et pourtant, au cours des premiers siècles de notre ère, on se trouvait là, entre deux habitats gallo-romains, celui de Juslenville avec son cimetière, son temple et celui de Pouillou-Fourneau avec son cimetière, sa villa agricole. Et vraisemblablement c’est par Juslenville-Petite que devait passer la petite voie romaine reliant entre eux ces deux sites et les rattachant d’une part à la chaussée Trèves-Tongres (Maison-Bois) et d’autre part Bavai-Aix la Chapelle (Banneux).
Mais dans les archives communales, il faudra attendre 1880 pour que la distinction entre « Juslenville » et « Juslenville-Petite » apparaisse mais la tradition avait déjà baptisé cet endroit du nom de « A d’la l’êwe ».
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Aussi lorsqu’en 1703 on y élève une petite chapelle, c’est un des très rares bâtiments construits le long de la voirie. Son histoire est restée une énigme quasi totale et nous n’avons comme renseignement que l’inscription taillée dans le linteau de la porte « BERTRAND GOHY ANNE JEAN FRANÇOIS ANNO 1703 » d’où le nom adopté de chapelle Gohy mais on ignore de qui il s’agit et quelle raison a justifié cette construction.
Cette chapelle dont la photo a paru à la une du numéro d’avril nous présente une façade-pignon percée d’une porte à deux battants, pignon large de 2m 50 et haut d’environ 3m. Il est constitué de pierres calcaires taillées et parfaitement ajustées, certaines de ces pierres sont d’un volume assez impressionnant, ainsi celle qui constitue le piédroit, côté cabine électrique, devrait peser quelques 550 kilos.
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Très petite à l’intérieur, 1m 60 X 2m 20, elle est pourvue d’un autel sur toute sa largeur, au-dessus de l’autel est suspendu un tableau représentant une « Déploration de la Vierge », œuvre médiocre plusieurs fois repeinte. Sur l’autel sont disposées trois statues anciennes en bois. Au centre une Vierge à l’Enfant, statue gothique entaillée, restaurée, les bustes datent du 18ème siècle, il s’agit d’une vierge habillée et il existait autrefois deux séries d’habits, une pour tous les jours et une pour les fêtes.
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À gauche, une statue en bois polychrome, haute de 95 cm, représentant un pape, probablement Saint-Alexandre, elle relève de l’art brabançon de la fin de l’époque gothique et se situe vers 1480; à droite une statue un peu plus grande d’un guerrier du 15ème siècle représentant Saint-Hermès, il s’agit d’une œuvre naïve datant du début du 16ème siècle. Ces deux statues proviennent de l’église de Theux et sont arrivées à Juslenville après un détour par l’ancienne église de La Reid.[[Ces statues ont quitté l’église de Theux en 1699 pour faire place aux deux statues qui se trouvent toujours dans le chœur. Elles furent placées dans l’église de La Reid à ce moment vice-cure de Theux. La Reid devenant paroisse indépendante en 1803 sous le patronage de Saint-Lambert, on peut supposer qu’elles ont réintégré la paroisse de Theux et placées dans la seule chapelle existant alors à Juslenville.]]
Jusqu’à la fin du 18ème siècle, il n’existe que peu d’habitation. En 1780, Juslenville y compris Juslenville-Petite ne compte que 38 maisons, en 1855, Juslenville-Petite possède 23 maisons, en 1880 : 43 maisons et 237 habitants; en 1890 : 48 maisons et 268 habitants et en 1910 : 78 maisons et 299 habitants. Le développement de l’industrie textile à Juslenville et l’industrie minière (fer) à Pouillou-Fourneau [[Une activité rappelée par le nom de rue des Rouges-Terres.]] n’est pas étranger à cette évolution.
A Juslenville-Petite, on ne trouve comme industrie que deux carrières de pierres calcaires destinées d’abord à la construction, puis à la fabrication de la chaux. L’une existe déjà en 1728 et était située près du vieux lavoir « al piêrire » et comportait un four à chaux mais toute activité y avait cessé avant 1900. L’autre se situait près de la chapelle et on peut encore y voir les ruines de deux fours à chaux dont l’un était en activité avant 1914 tandis que le second était élevé en 1925. L’exploitation de ces fours a cessé en 1932 suite au décès du propriétaire, cette chaux était surtout utilisée comme engrais pour l’agriculture. Le site de l’exploitation et la cour de la gare avaient été équipés en conséquence pour faciliter le transport de cette chaux.
Juslenville-Petite n’a jamais été un village agricole et l’atlas Popp de 1860 ne révèle aucune ferme. En 1925, on pouvait y dénombrer 6 petits propriétaires d’un cheptel de 3 à 12 vaches.
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Pour accéder à Juslenville-Petite avant 1785, il fallait franchir la rivière à l’aide d’une passerelle en bois souvent emportée par le crues de la Hoëgne tandis que le charroi lourd passait par un gué aménagé à côté. En 1785, le Magistrat theutois décide la construction d’un pont de pierres à trois arches malheureusement assez étroit, aussi vers 1930, pour faciliter le passage des piétons, on y accole une passerelle métallique vers l’amont. Ce pont sera partiellement détruit le 10 mai 1940 par les soldats belges du 1er Lanciers qui l’avaient préalablement miné. Pour le remettre en état, on va rétrécir le lit de la rivière et le pont restauré ne comportera plus que deux arches. En septembre 1944, il est à nouveau miné, cette fois par l’armée allemande, avec des mines anti-chars mais le système ne fonctionnera que partiellement et quelques tôles d’acier judicieusement disposées permettent le passage des Américains et des Juslenvillois. Après une légère réparation, il va servir jusqu’en 1967, en janvier de cette année à la suite d’une crue anormale, le pilier central est fortement endommagé et il est fait appel au 4ème Bataillon du Génie belge qui y installe un pont métallique du type Bailey. En 1974, le conseil communal approuve le budget d’un nouveau pont et un ouvrage d’une seule jetée est enfin reconstruit.
Revoici à nouveau Juslenville et son quartier d’ « A d’la l’êwe » solidement rattachés, une nouvelle cité fait son apparition à l’ancien pré d’Ayeneux qui avait auparavant accueilli le terrain de football du C.S. Juslenvillois, les maisons se multiplient, grimpant vers Pouillou-Fourneau et Ronde-Haye; tant et si bien qu’il faudra peut-être, un jour, revoir ce nom de Juslenville-Petite.

Pour les chroniqueurs du Marquisat,

Pays de Franchimont N° 540 de mai 1991

F. Braipson et A. Gonay

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